Sous pression, Petrobras taille dans ses effectifs
Surendettée, affaiblie par la chute des cours du brut, dévalorisée par le scandale de corruption au centre duquel elle se trouve, la compagnie pétrolière, ex-fleuron national, tente de réagir et veut même insufler, selon son nouveau patron Aldemir Bendine, de la « méritocratie » dans sa gouvernance. Une véritable innovation.
Le paquebot Petrobras tangue. Affaibli et décrédibilisé par le gigantesque scandale de corruption qui le secoue depuis un an et demi, et dont le volet judiciaire bat désormais son plein, le géant pétrolier brésilien, véritable étendard industriel du pays il ya encore 5 ans, est en outre confronté à l’effondrement des cours du brut de 70% depuis la mi-2014, à la chute du real face au dollar et à la récession qui frappe la première économie d’Amérique latine. La nouvelle direction du groupe s’est donc résolue à tailler dans le vif, en annonçant la semaine dernière une réduction de 30% de ses effectifs de cadres supérieurs (actuellement au nombre de 5300), dans le cadre d’un plan d’économies de 450 millions de dollars par an. D’autre part, les directions raffinage et gaz seront fusionnées. L’an dernier, le groupe avait supprimé 6000 postes (sur un effectif de 85 000 personnes). « Nous devons nous adapter à cette nouvelle réalité et à ce moment d’enquête sur les irrégularités au sein de la compagnie, qui ont contribué à provoquer la crise », a déclaré, lors d’une conférence de presse, le nouveau directeur général de Petrobras, Aldemir Bendine, ex patron du Banco do Brasil, qui a remplacé il y a près d’un an Maria da Graças Foster à la tête du groupe pétrolier. Outre la réduction des coûts, l’objectif est d’«éliminer les nominations politiques ». «Instaurer la méritocratie dans la gouvernance, c’est ce que l’on veut ici depuis 2015 », a-t-il souligné.
Douze ans de prison pour un ancien directeur
Méritocratie : un mot totalement nouveau dans une compagnie dont les postes de dirigeants et de cadres sup étaient couramment distribués, depuis des lustres, à des proches de députés ou de politiques, en remerciement de services rendus, qu’ils aient ou non des compétences en matière pétrolière. Certains de ces hauts cadres ont participé activement au vaste réseau de pots de vin aujourd’hui sous les feux de la justice : surfacturation systématique des contrats entre Petrobras et une vingtaine d’entreprises (dont la plupart des fleurons du BTP) avec des commissions de 1 à 3%, reversées à des politiques, notamment des élus de la coalition au pouvoir. Un système qui aurait coûté au moins 2 milliards de dollars à la compagnie, selon des estimations qui seront sans doute révisées à la hausse. Dernière condamnation en date: un ex directeur, Jorge Zelada, incarcéré depuis juillet dernier et condamné ce 1 er février à 12 ans et deux mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent. Il a été reconnu coupable d’avoir, lui et d’autres, reçu près de 31 millions de dollars pour avoir favorisé le choix de Vantage Drilling Corporation, une entreprise qui a loué à Petrobras son navire-sonde Titanium Explorer pour 1,8 milliard de dollars. La justice a déjà identifié une partie de la somme sur des comptes à Monaco et en Suisse.
Depuis un an, la police fédérale, engagée dans une véritable opération mains propres, a déjà mis sous les verrous bon nombre de ses collègues qui se sont vite mis à table, permettant l’arrestation de gibiers toujours plus conséquents : élus du Parti des travailleurs et du PMDB au pouvoir , patrons des principaux groupes de BTP du Brésil et même le flamboyant PDG milliardaire de la banque d’investissement BTG Pactual, Andre Esteves.
Armée mexicaine
Le patron de Petrobras assure que la réduction d’effectifs (licenciements et départs à la retraite non remplacés) « n’aura aucun impact sur la production de la compagnie » et que l’extraction du pétrole « pre salt » en eaux très profondes, restera la priorité. Même si, avec un cours du brut divisé par trois en 18 mois, la rentabilité de l’opération n’a plus rien à voir avec celle de mi-2014. Mais Aldemir Bendine affirme être en train de «préparer la compagnie pour un Brent à 20 dollars ». Lourdement endettée, Petrobras a réduit de 32 milliards de dollars (24,5%) son plan d’investissements d’ici à 2019. Elle envisage aussi la vente de 15 milliards de dollars d’actifs pour se recentrer sur la production pétrolière; ce que désapprouvent les syndicats de salariés. En revanche, les coupes dans les effectifs de cadres les satisfont plutôt et, selon eux, ne vont pas assez loin. « Tout ce qui réduit le nombre de chefs à Petrobras va dans le bon sens. Parfois, on a un chef pour deux ou trois employés. C’est un peu l’armée mexicaine ! », estime Emmanuel Cancella, directeur de la Fédération nationale des employés du pétrole, cité par Les Echos, suggérant par ailleurs à Aldemir Bendine de réduire son propre salaire «puisqu’il touche déjà une retraite confortable de Banco do Brasil».