Mort de Fidel Castro: quels changements pour Cuba ?
Le père de la révolution cubaine est mort le 26 novembre dernier à La Havane, à 90 ans. Que peut changer sa disparition pour l’île communiste, aujourd’hui en grande difficulté économique et en cours de rapprochement avec Washington, alors qu’il avait cédé le pouvoir depuis 10 ans à son frère Raul?
Au vu des réactions qui se multiplient dans le monde, la mort, vendredi dernier, de Fidel Castro, est aussi la disparition d’un symbole d’une force étonnamment vivace pour un homme de 90 ans retiré du pouvoir depuis 10 ans. Dictateur haï et mythe romantique tout à la fois, «el Comandante» laisse, après un demi-siècle de communisme, une île dont la population vit dans un dénuement et un isolement anachroniques, dont l’économie, privée du soutien d’un Venezuela en déshérance, est à bout de souffle, où la liberté de la presse est inexistante et où la timide ouverture initiée par son frère Raul peine à porter ses fruits. Que changera la mort de Fidel ? Peut-elle accélérer ou au contraire freiner cette lente évolution? J’ai tenté de l’analyser dans cet article : Cuba après Fidel: que tout change ou que rien ne change ?
La fin du castrisme mais pas du régime
On le sait , Raul Castro, de 4 ans plus jeune que son frère, a décidé de passer la main en 2018. La page des Castro se tournera alors définitivement. Ce qui ne signifie pas dire forcément, du moins a priori, la fin du régime communiste. Les survivants de la génération historique tiennent encore les rênes. Parmi eux, Jose Ramon Machado Ventura, 86 ans, médecin et toujours numéro deux du PC, partisan de la ligne dure, et Ramiro Valdes, 84 ans, membre du bureau politique, vice-président des Conseils d’État et des ministres, ancien guerillero aux côtés des frères Castro. Citons aussi deux autres hommes forts du régime à peine plus jeunes: le général Leopoldo Cintra Frias (75 ans), ministre de la Défense depuis 2011, un fidèle de Raul Castro; et l’économiste Esteban Lazo (72 ans, seul Noir du premier cercle), qui préside l’Assemblée nationale depuis 2013, et membre du bureau du PC où il a longtemps été chargé de l’idéologie.
Cette vieille garde encadre la relève, dont le «jeune» Miguel Diaz-Canel, (56 ans), numéro deux du régime depuis trois ans et dauphin officiel de Raul Castro. A ses côtés, Bruno Rodriguez Parrilla, actuel ministre des Affaires étrangères, qui a notamment représenté Cuba à l’Onu de 1995 à 2003, est sans doute l’un des acteurs essentiels du rapprochement avec les États-Unis. Marino Murillo, économiste de 55 ans, est un autre membre important du PCC et du Conseil d’État, puisqu’il est chargé de piloter les réformes économiques.
Rien ne dit cependant que ce noyau dirigeant, appelé à assurer la continuité, ne sera pas bousculé d’ici 2018 ou après, au gré des luttes internes des « jeunes pousses » du PC, que la mort du patriarche pourrait d’ailleurs désinhiber.
On ne sent guère en revanche, au sein d’une population extrêmement lasse, de volonté de rébellion. Les plus dégourdis, ou ceux qui ont accès à la devise convertible, tentent de profiter au maximum des nouvelles possibilités de créer leur entreprise (opportunités toujours susceptibles d’être remises en cause par un pouvoir capricieux et paranoaïque) mais pour la plupart, l’envie de changement et de liberté se traduit plus que jamais par la décision pure et simple de partir.
L’inconnue américaine
D’ailleurs, bien plus que la disparition du père de la révolution cubaine, c’est la poursuite ou non du rapprochement avec les Etats-Unis initié par Barack Obama et Raul Castro en décembre 2014, qui pèsera sur l’avenir de l’ile et des Cubains. Avant son départ, Obama tente manifestement de faire tout ce qui qui lui est permis sans approbation du Congrès à majorité républicaine, pour affirmer ce rapprochement. S’il avait été réélu, la reprise des liens politiques et commerciaux aurait sans doute fini tôt ou tard par déboucher sur la levée de l’embargo, pour le plus grand profit du niveau de vie d’une bonne partie de la population cubaine (et des entreprises américaines). Mais l’élection de Donald Trump bouleverse la donne et rend désormais probable un coup d’arrêt au processus, avec le risque déprimant de replonger l’île caraïbe dans l’immobilisme. Le président élu républicain ne s’est en effet pas privé de dire qu’Obama n’avait rien obtenu du régime cubain en contrepartie de ses concessions. Il a d’ailleurs annoncé la couleur dans l’un de ses multiples tweets.
If Cuba is unwilling to make a better deal for the Cuban people, the Cuban/American people and the U.S. as a whole, I will terminate deal.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) November 28, 2016
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