M&A: la France deuxième investisseur étranger au Brésil
Les investisseurs français sont à l’offensive sur le marché brésilien, avec un nombre record de fusions et acquisitions en 2016, selon une étude de PwC. Pour le cabinet d’audit, la première économie latino-américaine reste, en dépit _ ou à cause _ de ses difficultés actuelles, très attractive.
Acheter au son du canon: les investisseurs français sont manifestement nombreux à appliquer cet adage sur le marché brésilien, comme le souligne l’étude annuelle de PwC «Brazil M&A Trends». Le cabinet de conseil et d’audit a recensé 29 transactions «impliquant une cible brésilienne et un acquéreur français» en 2016, soit nettement plus que les 17 de 2015. Même si ce nombre doit en fait être ramené à 28 en raison de l’échec annoncé ces jours derniers de l’opération de CNP Assurances (voir plus bas), il reste le plus élevé depuis le début des années 2000. La France passe ainsi du cinquième au deuxième rang des investisseurs étrangers dans le pays en termes de fusions et acquisitions avec 11% du total des opérations, certes très loin derrière les Etats-Unis (93), mais devant le Royaume-Uni et le Canada (17 transactions chacun). Cité par le communiqué de PwC, Manoël De Goeij, responsable Transactions du Brazilian Business Group, constate que «malgré les difficultés économiques et politiques au Brésil, les acquéreurs français ont été attirés par le potentiel à moyen-long terme du pays, couplé à l’effet favorable du réal brésilien exceptionnellement faible en 2016 ».
Il faut dire que le scandale économique et politique autour de Petrobras qui secoue le pays depuis plus de deux ans, éclabousse largement les milieux du BTP, de la banque et de l’industrie. Prises dans la tourmente du scandale et acculées par la récession, les majors brésiliennes sont contraintes de désinvestir, souvent dans l’urgence. Ce qui ouvre de facto pas mal d’opportunités aux investisseurs étrangers.
source PwC
Principales opérations françaises au Brésil citées par PwC :
-Total rachète à Petrobras des actifs amont et aval (licences de champs d’exploration dans le pré-sel, usines de cogénération électrique) pour 2,2 milliards d’euros.
-le groupe sucrier Tereos rachète pour 202 millions de dollars les 46% de sa filiale Guarani que détenait encore son partenaire Petrobas sommé de réduire la voilure.
-Très présente au Brésil malgré la conjoncture, Systra, filiale ingénierie conjointe de la RATP et de la SCNF, acquiert la société de conseil et ingénierie Vetec Engenharia, franchissant la barre des 20 millions d’euros de chiffre d’affaires au Brésil, qui devient ainsi son quatrième marché.
-Bureau Veritas investit dans la société de surveillance en agrobusiness Kuhlman Monitoramento Agricola (KMA).
-Elis s’empare de la société de service de blanchisserie Lavebras.
-le groupe coopératif Up (Chèque Déjeuner) se montre particulièrement audacieux en raflant coup sur coup Vale Mais et Policard. Le groupe précise que la zone Amérique pèse désormais plus que la France dans son activité et souligne que «le Mexique et le Brésil sont des relais de croissance à deux chiffres». Près de 60% de ses 7 milliards d’euros de volume d’émission sont désormais réalisés à l’étranger.
CNP Assurances renonce au contrôle de Pan Seguros
L’étude comptabilise également le rachat, rendu public en avril 2016, par CNP Assurances à la banque BTG Pactual de 51% de l’assureur Pan Seguros, pour 175,6 millions d’euros. Mais le groupe français a jeté l’éponge le mois dernier : « CNP Assurances et BTGP ont toutes deux constaté la caducité de leur accord concernant ce projet d’acquisition », a-t-il annoncé, ajoutant sans autres précisions que «certaines conditions suspensives n’étaient pas satisfaites». BTG Pactual, première banque indépendante d’investissement d’Amérique latine, est elle aussi plongée dans la tourmente du scandale Petobras et doit vendre des actifs en catastrophe. Cette opération n’est donc peut-être que partie remise. CNP Assurances est déjà présent au Brésil depuis 15 ans via Caixa Seguradora, sa filiale conjointe avec Caixa Economica Federal et un distributeur.
Le marché brésilien, « affaire de la décennie »?
Depuis les années 2000, souligne PwC, «le marché brésilien des fusions et acquisitions est en forte augmentation, guidé notamment par la croissance économique, le développement du Private Equity, l’intérêt des investisseurs étrangers mais aussi l’amélioration de l’accès au crédit». La crise politique et économique qui plombe le pays depuis deux ans a évidemment un peu changé la donne. Le nombre total des opérations _ nationales et internationales_ recensées par le cabinet conseil a d’ailleurs reculé en 2016 à 597, contre 742 en 2015.
Cependant, pour toutes les transactions dont le montant est connu (182), la valeur totale atteint 37,6 milliards de dollars, soit 2,8 milliards de plus qu’en 2015. Une hausse qui s’explique par «quelques méga-deals tel que l’acquisition de Nova Transportadora do Sudeste par Brookfield Infrastructure Consortium (5,2 milliards de dollars)». PwC souligne que le secteur des technologies de l’information vient en tête avec 104 transactions, devant les services de marketing, d’ingénierie et de sous-traitance (74), la banque-finances (52), la chimie et le secteur minier.
La crise a eu également un effet repoussoir sur certains investisseurs étrangers (mais donc pas sur les Français), avec un recul global du nombre de transactions en 2015 puis en 2016 (255). Ainsi, «seules» 93 M&A issues des USA ont été enregistrées l’an dernier, contre 128 un an plus tôt. Au total, le nombre d’investissements étrangers réalisés au Brésil en 2016 est en baisse (255), même s’il reste encore au-dessus de la moyenne des cinq dernières années. D’ailleurs, souligne PwC, le Brésil reste riche en opportunités: «maintenant que le pire semble passé sur le plan économique, et que les économistes tablent sur une croissance du PIB entre 0% et 1% en 2017, les opérations de M&A devraient être en hausse cette année», estime Manoël De Goeij. Une note de Business France affirmait récemment : « les actifs brésiliens sont devenus tellement bon marché que certains analystes ont fini par qualifier le Brésil, aux côtés d’autres marchés émergents, comme l’affaire de la décennie ». Un rebond semble donc à prévoir, d’autant que les signes de redressement _ envolée de la Bourse, raffermissement du real _ se multiplient.
Le cabinet rappelle en outre les atouts structurels du pays : son marché domestique, ses besoins en matière d’infrastructures, ses ressources naturelles, mais aussi «la convergence des règles comptables nationales avec les standards internationaux (IFRS) et l’adoption progressive de lois anti-corruption». Même si dans ce dernier cas, la prudence reste de mise pour tous ceux qui ne sont pas familiers avec le business à la brésilienne…
source PwC