Les Mexicains clament leur colère contre leurs dirigeants
L’annonce par l’exécutif mexicain que les 43 étudiants d’Iguala disparus depuis le 26 septembre étaient probablement morts a suscité une vague de colère dans le pays. Le président Enrique Peña Nieto est explicitement mis en cause.
Ecrites à la peinture blanche sur le bitume du Zocalo, la place de Mexico où se trouve le Palais National, les lettres immenses interpellent toute la classe politique mexicaine : « que se vayan todos ». C’était aussi cette phrase que clamaient les manifestants argentins fin 2001, quand leurs dirigeants corrompus et incompétents avaient conduits le pays au défaut. Ici, cette injonction vise le pouvoir féréral du président Enrique Peña Nieto, celui de l’Etat de Guerrero où ont disparu les 43 étudiants, mais aussi, plus globalement, toutes les élites politiques, accusées de collusion plus ou moins directe avec le narcotrafic.
L’explosion de colère a fait tache d’huile dès vendredi, lorsque le ministre de la Justice, Jesus Murillo Karam, a annoncé la mort probable des 43 étudiants disparus de l’école normale rurale d’Ayotzinapa, le 26 septembre dernier à Iguala, dans l’Etat de Guerrero. Il a expliqué que trois membres présumés d’un groupe de narcotrafiquants avaient avoué avoir tué les étudiants, brûlé les corps puis jeté les sacs contenant leurs restes dans une rivière. Faute de preuves, les parents des étudiants ont refusé de croire à cette version et attendent des expertises ADN d’ores et déjà annoncées comme très délicates.
Samedi une foule compacte a défilé dans le calme à Mexico, aux cris de « Dehors Peña » et « Assassin ». Le soir, un petit groupe radical de manifestants s’est attaqué au Palais National, siège protocolaire de la présidence (mais où ne vit pas le président), tentant d’enfoncer la porte principale, y provoquant un début d’incendie et y inscrivant leur slogan : « Nous les voulons vivants », avant que la police ne finisse par former un cordon sanitaire autour du palais. Plus tôt, dans le sud du pays à Chilpancingo (Guerero), 300 jeunes avaient mis le feu à une dizaine de véhicules en face du siège du gouvernement régional, après en avoir brisé les façades vitrées.
Pour les enquêteurs, les responsables de ce drame sont le maire d’Iguala, José Luis Abarca, et son épouse, arrêtés la semaine dernière et soupçonnés d’avoir ordonné à leur police municipale l’enlèvement des étudiants, elle-même en relation avec le groupe criminel «Guerreros Unidos ». Le maire d’Iguala (gauche) a déjà été visé par une enquête en 2010 pour crime organisé en 2010, puis par une plainte pour meurtre en 2013, sans être davantage inquiété.
C’est dans ce climat de chaos qu’Enrique Peña Nieto est tout de même parti dimanche pour une tournée asiatique de 6 jours. Il commencera par assister au sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à Pékin, avant une visite d’Etat en Chine, puis rejoindra Brisbane en Australie pour participer à la première journée du sommet du G20 le 15 novembre.
Mais il ne pourra pas, comme il adore pourtant le faire, se présenter en fringant président d’un nouvel eldorado au potentiel économique colossal, menant au pas de charge des réformes majeures (dont celle, très attractive de l’énergie, qui va ouvrir l’exploitation pétrolière mexicaine aux majors internationales). L’engouement pour le Mexique à l’international a certes été aussi soudain que le désamour dont le Brésil en récession fait actuellement les frais après une décennie euphorique au début des années 2000. Mais la nouvelle flambée de violence qui sévit au Mexique montre que, malgré les affirmations de son président, le pays est toujours la proie des cartels, qui empoisonne la vie des Mexicains. Une situation propre à refroidir l’enthousiasme des investisseurs et à faire renaître le doute sur la capacité de cet immense pays à surmonter ses démons.