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« L’antipétisme », clé de l’élection présidentielle au Brésil

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L’avance que conserve, à la veille du scrutin, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro est d’abord le signe d’un rejet viscéral du Parti des Travailleurs.

 

Cet article a déjà été publié le 17 octobre 2018 sur le site Slate.fr.

Il est franco-brésilien, chef d’entreprise et vit avec sa femme médecin et ses enfants dans un quartier résidentiel de São Paulo. Contrairement à la plupart des familles aisées du Brésil, il n’a pas d’employée de maison, mais fait appel à une femme de ménage une à deux fois par semaine. Comme elle habite à soixante-dix kilomètres, explique-t-il, elle se lève à 4 heures du matin, prend un train puis trois bus différents pour venir travailler. Il a été surpris d’apprendre que le 28 octobre, jour du deuxième tour de la présidentielle, elle irait voter pour Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite, et non pour Fernando Haddad, qui représente le Parti des travailleurs (PT), celui de Lula. «Je lui ai demandé, raconte-t-il, si elle ne craignait pas que l’élection de Bolsonaro ne menace la démocratie au Brésil, et elle m’a répondu: “De quelle démocratie parlez-vous? Dans mon quartier, on vit déjà sous la dictature des gangs!”». Chaque semaine, elle lui parle de l’agression qu’une personne de son entourage, ou elle-même, a subie, et des guerres de territoires terrifiantes que se livrent les bandes armées rivales dans la banlieue pauvre où elle et sa famille vivent. La sécurité est sa priorité absolue, et c’est la raison pour laquelle elle vote Bolsonaro –comme beaucoup de Brésiliennes et Brésiliens très modestes. Qu’importe que l’ancien militaire devenu député pendant vingt-sept ans n’affiche aucun programme crédible pour faire baisser la criminalité galopante dans le pays, se bornant à proclamer qu’«un bon bandit est un bandit mort» et à promettre d’autoriser le port d’armes «aux gens bien». Qu’importe, par ailleurs, qu’il soit perçu comme le candidat de l’agrobusiness, des riches et des élites, comme le montre un sondage Ibope du 16 octobre. À la veille du scrutin, Jair Bolsonaro, ultranationaliste, admirateur de la dictature, machiste, homophobe et apparemment incompétent sur la plupart des enjeux de cet immense pays, semble avoir conquis la majorité des 147 millions d’électeurs et électrices que compte le Brésil : malgré un léger tassement depuis une semaine , le dernier sondage de Datafolha publié jeudi le crédite encore d’une large avance, à 56% de voix.

Tardive candidature Haddad

En face, Fernando Haddad a été évidemment lourdement handicapé par son propre camp et son mentor. La branche la plus radicale du PT s’est accrochée jusqu’à l’absurde à une candidature de Lula, même lorsque ce dernier, condamné à douze ans de prison pour corruption, a été emprisonné en avril. Ce n’est qu’en septembre, lorsque sa candidature a été invalidée, que l’ancien président s’est résigné à chercher quelqu’un pour le remplacer. Il aurait pu adouber Ciro Gomes, homme politique de centre gauche qui a été son ministre au début des années 2000 et qui se présentait sous l’étiquette du Parti démocratique travailliste, avec des perspectives pas si mauvaises. Les mauvaises langues diront que Lula s’est bien gardé d’introniser ce politicien aguerri, qui risquait de prendre trop d’ascendant au sein du PT. «Il a fait passer son désir de préserver sa stature avant l’intérêt de son parti», constate le géographe Hervé Théry. Lula a donc choisi Fernando Haddad, un universitaire de 55 ans modéré, qui a été son ministre de l’Éducation et celui de Dilma Rousseff entre 2005 et 2012. Le système de bourses mis en place par Haddad pendant cette période a d’ailleurs permis d’entrouvrir les portes de l’université aux jeunes des classes moins favorisées –et notamment à des étudiantes et étudiants noirs. Élu maire de Saõ Paulo en 2013, il s’y est montré plutôt bon gestionnaire.

Fernando Haddad en meeting à Recife, le 25 octobre 2018 | Leo Caldas / AFP

En dehors de la mégapole pauliste néanmoins, le nom d’Haddad n’était guère connu dans le pays. Un vrai problème quand il ne reste que trois semaines pour faire campagne, d’autant qu’il est un piètre tribun et que ses visites répétées à Lula dans sa prison de Curitiba ont vite permis de le caricaturer en créature docile de l’ex-président. …

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