La sortie en Colombie du film «Operacion E» est autorisée
VIDEO. L’ex-otage des FARC, Clara Rojas, n’a pas réussi à faire interdire le film de Miguel Courtois. Dans un entretien à Latina-eco, celui-ci explique que, en racontant la naissance en captivité du fils de Clara Rojas, il a surtout cherché à rendre hommage aux innombrables victimes anonymes du conflit.
Jeudi 31 janvier, le tribunal de Bogota a autorisé la diffusion sur les écrans colombiens du film «Operacion E » du réalisateur franco-espagnol Miguel Courtois Paternina. Le film retrace la naissance en captivité et les premières années d’Emmanuel, fils de l’ex-otage des Farc, Clara Rojas. La justice a donc rejeté le recours déposé par cette dernière, qui arguait que le film pouvait perturber son fils, aujourd’hui âgé de huit ans, et porter atteinte au « libre développement de sa personnalité ». La juge Raquel Aya Montero a estimé que « les droits fondamentaux du mineur n’avaient pas été violés».
Le désaccord entre Clara Rojas, avocate de 48 ans qui, depuis sa libération en 2008, dirige une ONG en faveur des disparus colombiens, et les producteurs du film, remonte au tournage. Pour ces derniers, Clara Rojas a attaqué le film, déjà sorti en Espagne et en France, faute d’avoir obtenu un pourcentage suffisant sur les recettes. Version que celle-ci dément catégoriquement.
Au-delà de cette polémique un peu glauque, il faut reconnaitre que le film ne porte guère atteinte ni à la vie privée de Clara Rojas (qui n’apparait jamais dans le film) ni à celle de son fils, montré sobrement durant ses premiers mois et présenté surtout comme un enjeu politique majeur dans les négociations entre les Farc et le gouvernement colombien sur la libération des otages. De fait, cet enfant _ et les recherches pour le retrouver_ ont fait la une des journaux durant des mois.
Bref rappel des faits : en 2002, les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) enlèvent la candidate à la présidentielle Ingrid Betancourt et sa directrice de campagne Clara Rojas. Celle-ci accouche en 2004, en pleine jungle, d’un enfant issu d’une liaison avec un guerillero. Blessé à la naissance et malade, son fils lui est retiré 8 mois plus tard et confié de force à un certain José Crisanto, paysan pauvre et désemparé, déjà père de 5 enfants, qui essaiera de sauver ce petit garçon avant de se le faire retirer par les services sociaux. Crisanto sera rattrapé et menacé par les guerilleros trois ans plus tard, quand ceux-ci rechercheront dans tout le pays l’enfant qu’ils ont promis de libérer avec sa mère. Puis il sera accusé par le gouvernement de complicité avec les Farc et emprisonné 6 ans, avant d’être enfin libéré, il y a deux mois.
Tourné dans la région colombienne de Meta, le film retrace le destin tragique de ce cultivateur de coca anonyme, broyé, lui et sa famille, par des enjeux qui le dépassent. Avec, de la part du réalisateur Miguel Courtois, la volonté manifeste d’en faire un cas exemplaire des « 4 millions de déplacés que cette guerre civile a générés ». C’est ce qu’il nous a expliqué lors d’un entretien, à l’occasion de la sortie du film en France, le 28 novembre dernier :
Interview de Miguel Courtois par latina-eco
Fragiles négociations de paix
Le film va sortir en Colombie alors que les négociations de paix entre les FARC et les représentants du gouvernement colombien, qui se déroulent depuis novembre dernier à Cuba, ont repris mi janvier. Ces négociations, qui pourraient mettre un terme à un demi-siècle de guerre civile, paraissent un peu mieux engagées que les précédentes tentatives, même si l’un des objectifs _ transformer la guérilla en une organisation politique légale _ semble quasi irréalisable. Le président Juan Manuel Santos a annoncé dès le début vouloir aboutir à un accord dans un délai de neuf mois, et sur cinq points : le développement des zones rurales (autrement dit, une réforme agraire, autre casse-tête), l’avenir politique et juridique des rebelles, la fin du conflit, la question du trafic de drogue et une compensation pour les victimes de la guerre.
La fin du cessez le feu de deux mois, qui avait été décrété de façon unilatérale par la guerilla le 19 novembre dernier , complique la donne. L’enlèvement par les FARC, lundi dernier, de deux policiers, risque en effet de porter un coup sérieux à la sérénité des discussions.