Affaiblie, Dilma Rousseff change de ministre de l’Economie
Exit Joaquim Lévy. La présidente brésilienne remercie son ministre de l’Economie et le remplace par un proche, Nelson Barbosa, montrant qu’elle garde l’initiative, alors qu’elle reste _ en théorie_ menacée d’impeachment.
En plein marasme économique et politique, affaiblie par une procédure de destitution lancée au début du mois, Dilma Rousseff change de ministre de l’Economie. Moins d’un an après sa nomination, le très orthodoxe Joaquim Levy (56 ans, ex-FMI, formé à l’Université de Chicago) doit en effet céder sa place à Nelson Barbosa, jusqu’ici ministre de la Planification, et considéré comme plus proche de sa ligne redistributrice et sociale. Il sera lui-même remplacé à la Planification par Valdir Moysés Simao.
La Bourse de Sao Paulo a aussitôt sanctionné ce remaniement annoncé hier, en cédant près de 3% à la clôture, marquant ainsi une certaine défiance des milieux d’affaires envers Barbosa, non sans admettre qu’il s’agissait d’un choix logique, compte tenu de son expérience (cet économiste keynésien diplômé de la New School for Social Research de New York a joué un rôle important dans la politique économique du premier mandat de Rousseff), et de sa proximité avec le Parti des Travailleurs au pouvoir.
A peine nommé, Nelson Barbosa a cherché à rassurer à la fois les marchés et l’électorat populaire, déclarant que « l’engagement pour l’ajustement budgétaire » et «les programmes sociaux » étaient «maintenus », promettant de lutter pour l’équilibre budgétaire, le contrôle de l’inflation et la croissance de l’économie.
Entré au gouvernement au début du second mandat de Dilma Rousseff, Joaquim Levy, confronté à une croissance quasi nulle (avant une entrée en récession dès le deuxième trimestre) avait instauré un plan d’austérité budgétaire violemment contesté, réduisant fortement les investissements . Il prônait notamment 0,7% d’excédent primaire pour 2016; le budget voté hier par le Parlement ne prévoit que 0,5% d’excédent .
La septième économie mondiale est mal en point, avec un recul du PIB estimé à plus de 3% en 2015 et autour de 2% cette année, selon les prévisions officielles. Deux ans de récession de suite, on n’avait pas vu ça au Brésil depuis les années 30. L’inflation enfle et la dette souveraine a été dégradée en catégorie spéculative par deux des trois principales agences de notation : Standard & Poor’s dès septembre et Fitch cette semaine. .
La crise politique et institutionnelle qui dure quasiment depuis la réélection de Dilma Rousseff avec l’éclatement du scandale Petrobras , n’arrange rien, la plupart des observateurs s’accordant à dire que les deux crises _ politique et économique _ s’auto alimentent. Le 3 décembre , après plusieurs vaines tentatives, le président de la Chambre de députés Eduardo Cunha a lancé une procédure de destitution contre la présidente, accusée avec son gouvernement d’avoir maquillé les comptes publics l‘an dernier pour minimiser leur dégradation, mais aussi d’avoir eu recours à des financements illicites lors de sa campagne électorale . Bien que membre du PMDB, parti de la coalition au pouvoir, Cunha est aujourd’hui l’ennemi juré de Dilma , d’autant que lui-même est sous le coup d’une enquête judiciaire, soupçonné d’être mouillé jusqu’au cou dans le scandale Petrobras (depuis la découverte d’un compte en Suisse à son nom doté de 5 millions de dollars).
Destitution : la Cour Suprême remet les compteurs à zéro
Cela dit, la procédure d’impeachement est partie pour durer puisque la Cour Suprême, après l’avoir suspendue la semaine dernière pour vice de forme, en a redéfini les règles hier, en donnant finalement le dernier mot au Sénat (plus favorable à la présidente) et en demandant de recommencer l’élection des membre de la commission spéciale. Un nouveau répit pour Dilma Rousseff, assurée de rester encore en place pour un moment _ voire, de plus en plus probablement, jusqu’à la fin de son mandat _ mais hélas sans plus guère de crédibilité pour gouverner et avec moins de 10% de la population pour la soutenir. De quoi redouter une quasi paralysie du pays .