Cessez-le feu « définitif » entre le gouvernement colombien et les FARC : un symbole fort mais d’énormes défis
Le président colombien Juan Manuel Santos et le leader de la guerilla marxiste Timoleon Jimenez ont signé le 23 juin à La Havane un accord historique sur un cessez-le-feu définitif et le désarmement de la rébellion, ouvrant la voie à tous les espoirs après 50 ans de guerre civile, même si le chemin vers la paix reste semé d’embûches.
Le 23 juin dernier, le gouvernement colombien a fait un pas de géant vers la paix avec la signature, à La Havane, d’un accord de cessez-le-feu définitif avec la guérilla marxiste des FARC, accord qui prévoit aussi le désarmement des combattants. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a déjà prévu une mission d’observation du cessez-le-feu. L’accord a été scellé par une nouvelle poignée de main historique entre le président colombien Juan Manuel Santos et le chef suprême des Forces armées révolutionnaires Timoleon Jimenez, sous le regard du président cubain Raul Castro, du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et de plusieurs chefs d’Etat.
Selon le texte de l’accord, les 7 milliers de guerilleros actuels seront placés dans 23 zones de démobilisation et huit campements où ils seront protégées. Ils devront tous remettre leurs armes aux membres d’une mission de l’ONU, au plus tard 180 jours suivant la signature d’un accord de paix final, qui est attendu à Bogota dans les prochaines semaines. Un referendum devrait entériner cet accord de paix , probablement cet automne.
Après trois ans et demi de pourparlers sous l’égide Cuba et de la Norvège, cette signature rend concrète la fin prochaine du plus vieux conflit d’Amérique latine, une guerre civile qui aura duré plus d’un demi siècle (les FARC sont nées en 1964) et a fait au moins 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés.
De nombreuses questions encore en suspens
Mais même si l’accord est entériné par referendum, l’avenir post-conflit n’est pas forcément rose. D’abord parce qu’une autre guerilla, l’Armée de libération nationale (ELN), n’a toujours pas l’intention de désarmer, bien que des pourparlers de paix soient, semble-t-il, programmés dans un futur proche. D’autre part, les anciens groupes paramilitaires démobilisés (créés initialement pour se défendre face à la guerilla) ont souvent dégénéré en bandes criminelles incontrôlables, plus ou moins liées au trafic de drogue.
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Il faudra aussi gérer les adversaires forcenés de toute pacification, emmenés par l’ancien président Alvaro Uribe, et rassurer ceux qui redoutent que la conversion des FARC en force politique officielle ne déstabilise le pays, ou ceux qui craignent que la volonté de réconciliation ne perrmette pas de rendre justice aux victimes.
Parmi les dossiers impossibles que le gouvernement Santos va devoir gérer, il y a le dédommagement des innombrables victimes de ce conflit : familles de disparus, personnes déplacées et, notamment, celles qui ont fui à l’étranger.
La semaine dernière, le gouvernement a signé un accord avec le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) pour diffuser le contenu des agréments avec les Farc concernant les victimes exilées, faciliter leur retour volontaire et leur réintégration en Colombie.
Interviewé par l’AFP, Juan Carlos Villamizar s’est ainsi exilé pendant 13 ans en Espagne après avoir reçu des menaces lorsqu’il représentait la société civile lors de la précédente tentative de paix. Il a participé à la création de la « Commission de migration forcée, exil et réconciliation » et a témoigné lors des discussions actuelles entre l’exécutif et les FARC. Selon lui, il y aurait 800.000 à 900.000 réfugiés colombiens, soit plus du double du chiffre officiel du HCR (350.000). La loi votée en 2011 sur la réparation des victimes peine à se mettre en place (9.000 personnes à peine se sont enregistrées, surtout au Canada, aux Etats-Unis, en Equateur et en Espagne). Les obstacles sont autant légaux, administratifs que psychologiques, et le HCR juge trop court le délai fixé à juin 2017.
Autre casse-tête, orchestrer le retour sur leurs terres des paysans ( déplacés parfois depuis des décennies et qui ont refait leur vie ailleurs) ainsi que la mise en exploitation des immenses territoires quasi vierges libérés par les FARC. Nous reviendrons plus tard sur ces dossiers complexes.
Des accrocs à l’accord
Mais dans l’immédiat, le plus urgent sera d’imposer le cessez-le-feu dans tout le pays. A cet égard, l’accrochage survenu le week-end dernier dans la région de Meta entre des guerilleros et l’armée, avec quelques blessés à la clé, n’est pas rassurant. Hier, le gouvernement a invoqué une « erreur » de la guerilla. Une explication non validée par Timochenko, qui a cependant dédramatisé l’incident en arguant qu’il y en aurait d’autres et que cela ne remettait pas l’accord en cause.
Malgré tout, ce genre d’échauffourées atteste d’une grande nervosité de part et d’autre, et de la fragilité du cessez-le-feu. D’autant que l’une des plus importantes unités des FARC, le Front Armando Rios (auteur de l’enlèvement d’Ingrid Betancourt), a d’ores et déjà annoncé qu’elle refusait de déposer les armes.