Carrefour reprend 129 magasins de l’enseigne argentine Eki
Le distributeur français a annoncé le 14 juin dernier le rachat par sa filiale argentine de 129 magasins de l’enseigne de magasins discount Eki, en cessation de paiement. Une façon pour le numéro deux mondial de la grande distribution, à la peine sur ses marchés matures d’Europe, de reprendre l’initiative dans un pays émergent.
C’est sans doute l’effet Georges Plassat. A peine arrivé aux manettes de Carrefour, celui-ci prend une double décision, celle de se désengager de la Grèce, pays où le groupe s’est implanté il y a plus de 20 ans, pour se renforcer en Amérique latine. Le distributeur français vient en effet d’annoncer qu’il cédait ses 800 points de vente grecs à son partenaire local, le groupe Marinopoulos, qui devient le franchisé exclusif de la marque Carrefour en Grèce, à Chypre, en Bulgarie, et dans d’autres pays des Balkans. Parallèlement, Carrefour rachète 129 magasins de la chaîne discount argentine Eki, mise en redressement judiciaire fin 2011. Autrement dit, il sort d’un pays en plein marasme, déjà en faillite partielle et dont l’hypothèse d’une sortie de la zone euro n’est pas complètement écartée, au profit d’un pays émergent qui, 10 ans après un défaut dévastateur, a rebondi et affiche depuis lors des taux de croissance élevés (plus de 8% en moyenne entre 2003 et 2011).
La Bourse a salué cette initiative, bien que Carrefour annonce, «au terme de cette réorganisation une charge d’environ 220 millions d’euros au titre d’activités non poursuivies», et que l’activité reprise en Argentine soit en cessation de paiement depuis 6 mois. Le groupe ne communique pas sur le montant de l’opération mais le quotidien « La Nacion » évoquait le mois dernier un investissement de 300 millions de pesos argentins, soit 52 millions d’euros.
Les magasins Eki _ 19 petits supermarchés et 110 magasins de proximité_ sont principalement situés à Buenos Aires, et à la périphérie, mais aussi dans la province de Santa Fe . « Avec cette acquisition, Carrefour renforce sa position de leader en Argentine et élargit son réseau de magasins de proximité », se félicite le groupe, déjà présent depuis 30 ans en Argentine où sa filiale locale exploite 261 points de vente sur tout le territoire, pour un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros en 2011 (3% des ventes du groupe), en hausse de 20%.
Le gouvernement argentin n’a pas ménagé ses efforts ces derniers mois pour trouver un repreneur à l’entreprise. Le patron de Carrefour Argentine, Daniel Fernández, avait été reçu le 4 mai par le ministre du Travail, pour discuter principalement du sauvetage des 2.300 emplois d’Eki. A cette occasion, Carrefour se serait engagé à payer rétroactivement les salaires des employés, selon la presse argentine qui croit également savoir que les magasins Eki passeront rapidement sous les enseignes « Carrefour Market » et « Carrefour Express ».
Tropisme latino-américain
Cette nouvelle initiative en Amérique latine, région en pleine évolution et qui résiste plutôt bien pour le moment au marasme européen et à la baisse de régime de la Chine, est particulièrement bienvenue pour Carrefour. Le géant de la distribution _ 410.000 salariés pour 91 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés dans 33 pays_ est aujourd’hui un paquebot légèrement ivre, en échec sur ses derniers grands défis marketing (tels le concept Carrefour Planet), faisant face au recul de ses parts de marché en France et à des difficultés sur ses marchés matures. Son bénéfice a chuté de 14 % l’an dernier, à 371 millions d’euros l’an dernier. Le nouveau patron Georges Plassat n’a pas caché lors de la récente assemblée générale qu’il procèderait à d’autres arbitrages entre les différentes implantations étrangères du groupe.
Manifestement, ces arbitrages devraient plutôt se faire en faveur de la région latino-américaine. Choix plutôt judicieux puisque la zone est aujourd’hui l’une des plus prometteuses pour la grande distribution, selon le cabinet A.T.Kearney. Carrefour y est d’ailleurs déjà bien implanté, non seulement en Argentine mais aussi en Colombie et au Brésil. Même si, dans ce dernier pays, le distributeur français a pris une claque l’an dernier en tentant de prendre le contrôle du leader brésilien de la distribution Pão de Açucar (22,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2011), avec le soutien de Brasilia via la banque d’investissement BNDES. Son concurrent Casino, partenaire de Pão de Açucar depuis 2005 (avec prise de contrôle programmée), a sorti l’artillerie lourde dès qu’il a découvert ce que tramait son allié brésilien dans son dos et fait capoter le projet. Le 22 juin dernier, le patron de Casino Jean-Charles Naouri a d’ailleurs pris triomphalement le contrôle de Pão de Açucar, faisant ainsi du Brésil son premier marché (devant la France) avec plus de 40% de ses ventes en 2012.