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En riposte au TPP qui l’exclut, la Chine courtise l’Amérique latine

Le premier ministre chinois Li Keqiang au Brésil avec Dilma Rousseff en mai 2015
Le premier ministre chinois Li Keqiang au Brésil avec Dilma Rousseff en mai 2015

Signé le 4 février dernier par douze pays _ Etats-Unis, Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam _ le TPP (traité transpacifique) créera la plus grande zone de libre-échange au monde, une fois ratifié par tous les Parlements. Absente de l’accord, la Chine, dont le TPP est supposé contenir l’influence, pourrait bien répondre par un volontarisme accru en Amérique latine, estime Christophe Granier.

Par CHRISTOPHE GRANIER, Conseiller du Commerce Extérieur de la France (1)
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Cette tribune a également été publiée dans Le Monde

« La mise en place par les Etats Unis du partenariat trans-pacifique de libre-échange TPP qui exclut la Chine a réveillé, si besoin était, l’intérêt chinois pour l’Amérique latine. Pékin préconise de faire évoluer rapidement l’APEC (Coopération économique pour l’Asie Pacifique) en une zone de libre échange (FTAAP) dans le but de faire de l’ombre au TPP trop dépendant de Washington. A Manille le 18 novembre 2015, le 23e sommet de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) a montré la volonté concurrente des deux présidents Xi et Obama de s’investir dans l’approche des pays du sud du continent.
Les pays d’Amérique latine riverains du Pacifique restent ouverts aux offres des deux puissances. Si les Etats-Unis ont tenté de verrouiller une majorité en invitant dans le TPP le Mexique, le Pérou et le Chili, la Chine, qui possède déjà ses entrées au Nicaragua et au Costa Rica, fait un mouvement en direction de la Colombie, soudain parée de toutes les qualités. Les échanges sino-colombiens totalisent 15,5 milliards de dollars et _ cas unique _ ont crû au cours de la dernière année, contrairement à ceux enregistrés avec tous les autres pays d’Amérique latine, qui stagnent ou reculent. Devenue la troisième économie latino-américaine en 2014 en remplacement de l’Argentine, la Colombie semble disposée à écouter les sirènes d’Orient ; le président Juan Manuel Santos s’est dit intéressé par la coopération chinoise en matière d’infrastructure, de production agricole et d’agro-alimentaire et compte sur l’appui de la Chine à l’ONU pour le processus de paix dans son pays. Souvent impliqués en première ligne des entités chinoises dans un pays stratégique à conquérir, Huawei (semi-privé) et ZTE (semi-public) sont les têtes de ponts chinoises en Colombie.
L’annonce par le FMI de l’acceptation du renminbi dans le panier des DTS s’est accompagnée de la prise de position d’autres pays de la zone sur l’influence chinoise. Le vice-président de l’Argentine Amado Boudou a demandé l’accélération du processus d’internationalisation de la devise chinoise, son pays ayant obtenu en juillet de Pékin un swap de devises de 11milliards de dollars, véritable bouée de sauvetage. Auparavant, la Chine avait accordé un quota de 8 milliards aux investisseurs internationaux qualifiés au Chili. La CCB est devenue la première banque de clearing du RMB du continent au Chili, suivie par l’ICBC en Argentine.

Pour ces raisons d’ordre politique, les projets d’infrastructure chinois en Amérique latine ne tarderont pas à se multiplier, même si l’exemple négatif du Mexique démontre la difficulté de contrer l’influence américaine dans sa zone réservée La Chine privilégie une politique des petits pas doublée de quelques grandes réalisations isolées. Le grand chantier-serpent de mer du canal transcontinental au Nicaragua doit être considéré avec le recul qui sied à une illusion par trop onéreuse, mais les deux projets de liaisons ferrées du Pacifique à l’Atlantique à travers l’Amérique du Sud sont beaucoup plus avancés et vraisemblables. L’approche financière qui se développe depuis mi-2015 démontre que d’autres moyens tout aussi efficaces, même s’ils sont moins spectaculaires, sont utilisés par Pékin. Enfin, souhaitant imprimer dans le domaine culturel comme dans d’autres sa marque historique personnelle, le président Xi Jinping s’est par exemple particulièrement investi dans le projet « Année d’échange culturel Chine-Amérique Latine » pour 2016, dont l’ampleur du programme est la meilleure preuve de l’intérêt porté par la Chine au continent latin.
Au niveau des échanges, les importations chinoises de produits agricoles continueront à jouer le rôle moteur. Elles doivent doubler d’ici 2020. Organisé depuis 2013, le forum des ministres de l’agriculture de Chine, d’Amérique latine et des Caraïbes vient d’être institutionnalisé : son objet est de créer une plateforme d’échanges entre les agences gouvernementales et les instituts de recherche pour développer la coopération agricole. Un pan quinquennal (2015-2019) de coopération porte déjà sur l’élevage, la forêt et la pêche ».

Christophe Granier

(1)Christophe Granier est Conseiller du Commerce Extérieur de la France depuis 2001, notamment au Pakistan, à Hong Kong et en Chine et ancien cadre supérieur expatrié du groupe Société Générale pendant 25 ans. Il fut en particulier directeur Général de la Société Générale à Shanghai .
Membre de la Commission Asie Pacifique du Comité National des CCEF, il est le rédacteur de l’étude « La Chine hors les murs » (Présence et influence chinoise hors du territoire de la Grande Chine) publiée en février 2014, à partir d’enquêtes réalisées auprès des CCE. Membre de l’Observatoire créé à la suite de cette étude, il y dirige « La Lettre de la Chine hors les murs ».