Peña Nieto à Paris : «Je veux renforcer les liens du Mexique avec le reste du monde »
Le Président élu du Mexique, Enrique Peña Nieto, qui prendra ses fonctions le 1er décembre prochain, a achevé hier en France sa tournée européenne . Il a annoncé un accord de coopération avec la gendarmerie nationale pour mieux lutter contre la criminalité, et a commenté les grandes lignes de sa future politique.
La virée européenne du nouveau président élu du Mexique, Enrique Pena Nieto, s’est achevée cette semaine en France. Il a été reçu le 17 octobre à l’Elysée par François Hollande, où le dossier de Florence Cassez, qui empoisonne les relations bilatérales, a bien sûr été évoqué. Le président français a affirmé « faire confiance à la Cour suprême mexicaine », tandis que son homologue mexicain a regretté que « cette affaire ait trop marqué les relations entre nos deux pays », ajoutant qu’il fallait « passer à autre chose ». Une volonté de détente qui est sans doute de bon augure pour la Française, détenue au Mexique depuis 7 ans, et pour la reprise du dialogue franco-mexicain, au point mort depuis l’annulation de l’année du Mexique en France en 2011.
Lors de son intervention au siège parisien de l’OCDE, Enrique Peña Nieto a d’ailleurs annoncé qu’il venait de signer un accord de coopération avec la France pour « créer au Mexique une institution s’inspirant de la gendarmerie nationale». Il a aussi, lors de sa tournée, conclu un accord de coopération avec la Grande Bretagne en matière d’éducation, avec échange d’étudiants et programme pilotes de formation pour les enseignants. Avec l’Allemagne, c’est un accord sur les énergies renouvelables (éoliennes) qui a été signé.
De grands projets de réformes
A l’OCDE, il a aussi donné quelques grandes lignes de son plan d’action pour le Mexique, dont il prendra les rênes le 1er décembre. Jusqu’ici, le candidat victorieux du Parti révolutionnaire institutionnel (le parti de l’oxymore comme l’appelle Le Monde Diplomatique) a surtout été accusé d’un grand flou. Le vieux parti hégémonique (qui a régné 71 ans sur le pays jusqu’en 2000), se dit aujourd’hui « rénové » et affiche un pedigree plutôt centriste. C’est en tout cas ce qu’a reflété le discours du président élu. Celui-ci a affirmé sa volonté de « renforcer les liens du Mexique avec le reste du monde », et affiché pour y parvenir plusieurs objectifs prioritaires.
- « Poursuivre plus efficacement la lutte contre l’insécurité » : la priorité des priorités dans un pays gangrené par la violence et la grande criminalité. La guerre contre les gangs de narcotrafiquants lancée par son prédécesseur de droite Felipe Calderon est un cuisant échec. L’objectif de la coopération qui va être engagée avec la gendarmerie française est donc de reprendre la main : « ces nouvelles unités permettront à l’Etat de restaurer son autorité non seulement dans les grandes métropoles, mais aussi dans les petites villes et les villages, où se trouvent les criminels », a déclaré le président élu. Via un autre moyen d’action que l’armée régulière, qui crée un climat de guerre civile dans le pays, et que la police fédérale, profondément corrompue.
- « Doper la production pétrolière». C’est l’autre enjeu majeur de son mandat. Le monopole pétrolier Pémex (quatrième producteur du monde), pourvoyeur de plus de 30% des recettes de l’Etat, souffre de sous investissement (sa production recule depuis 8 ans), alors qu’un nouveau gisement très prometteur vient d’être découvert dans le Golfe du Mexique. « Pémex n’aura pas seul les ressources pour explorer et exploiter ces ressources qui appartiennent à tous les Mexicains. Il faudra faire appel au secteur privé mais il n’est pas nécessaire pour cela de privatiser l’entreprise », s’empresse d’ajouter Peña Nieto, citant le modèle Pétrobras, compagnie pétrolière brésilienne qui reste contrôlé par l’Etat (52 % du capital, 64 % des droits de vote), après avoir levé en Bourse près de 68 milliards de dollars en 2010. Pas sûr cependant que le président mexicain parvienne à faire voter au Congrès une ouverture du capital de Pemex, symbole de souveraineté quasi sacré pour les Mexicains. Plusieurs présidents avant lui s’y sont cassé les dents.
- Réduire « sensiblement » la pauvreté dans le pays. En 6 ans, la pauvreté a reculé dans cet immense pays de 110 millions d’habitants mais reste très élevée.
- « Améliorer la qualité de l ‘éducation » : il cite Internet comme outil majeur pour rénover le système éducatif, ainsi que son partenariat avec la Grande Bretagne cité ci-dessus..
- « Stimuler la croissance ». « Nous voulons travailler dans deux directions : une gestion responsable des finances publiques et le respect des orientations de la Banque centrale, avec qui nous nous emploierons à maintenir la stabilité macroéconomique. Ce sera le tremplin pour d’autres actions qui favoriseront la croissance économique du Mexique », a-t-il déclaré. Il entend aussi encourager l’emploi formel via la généralisation de la couverture sociale (santé, chômage, retraite). Seule 44% de la population en bénéficie actuellement. Un chantier énorme…
- Porter à 1 % du PIB l’investissement dans les sciences et technologies, contre 0,4% actuellement. «Il faut créer un cadre qui encourage l’investissement et le crédit. Nos banques sont solides mais ne prêtent pas assez aux entreprises. Il faut les inciter à le faire davantage, via par exemple la création d’une banque publique d’investissement », propose le président élu.
- Développer les infrastructures : via l’essor des PPP (partenariats public-privé). Routes, ports, rail, transports urbains… Il a ainsi rappelé que 66% des Mexicains vivaient en ville.
- Last but not least : réformer intégralement la fiscalité. Objectif : « simplifier notre fiscalité à tous les niveaux pour que tout le monde participe à nos finances publiques ». Cette réforme fiscale est un véritable serpent de mer au Mexique, même si elle est cruciale (plus du quart de la population active évolue aujourd’hui dans l’économie souterraine). Progressivité de l’impôt, élargissement de l’assiette fiscale , amélioration de la transparence : le nouveau pouvoir veut « rechercher le consensus » et compte s’appuyer, pour « créer ce nouveau modèle », sur les recommandations de l’OCDE avec laquelle il vient de nouer, comme l’a rappelé le secrétaire général de l’Organisation Angel Gurria (mexicain lui aussi), « une nouvelle alliance stratégique».