Aéroports : après un échec à Sao Paulo, ADP retente sa chance à Rio
Alors que l’échéance de la Coupe du Monde de football de 2014 se rapproche, le Brésil poursuit la modernisation de ses aéroports via le recours au secteur privé. Après Sao Gonçalo d’Amarante, Sao Paulo, Brasilia et Campinas, ce pourrait être bientôt au tour de l’aéroport de Rio. Aéroports de Paris est déjà sur les rangs.
Nouvelle tentative. Même si aucun appel d’offres n’est lancé pour le moment, Aéroports de Paris prépare un dossier pour l’aéroport Tom Jobin-Galeao de Rio de Janeiro, en association avec son partenaire néerlandais Schiphol Group, gestionnaire de l’aéroport d’Amsterdam. C’est ce qu’a annoncé son PDG, Pierre Graff, le 6 juin dernier, lors d’une conférence de presse à Istanbul. Pour lui, « c’est le moment de s’intéresser à l’international, comme le font tous nos grands concurrents », d‘autant qu’« après avoir lourdement investi dans le développement de nos infrastructures, nous sommes désormais tranquilles, en terme de capacités, au moins jusqu’à la fin de la décennie » a-t-il déclaré. ADP a déjà pris 38% du turc TAV en mars et s’intéresse aux aéroports d’Atlanta et de Séoul.
Mais le Brésil est une opportunité de taille à ne pas rater. ADP recherche, dans les pays développés et dans les grands pays émergents, des investissements «de taille significative, autour de 10 millions de passagers ». Avec ses 13,4 millions de passagers en 2011, l’aéroport carioca entre parfaitement dans cette cible. Or, le gouvernement pourrait lancer une deuxième tranche de privatisations de ses aéroports _ dont Rio _ d’ici la fin de l’année. Il y a quelques mois, ADP et Schiphol se sont fait « retoquer » dans le cadre de l’appel d’offres pour l’aéroport international de Guarulhos à Sao Paulo, le plus important du pays. Mais Pierre Graff « n’a aucun regret » car «l’offre retenue était deux fois supérieure à la nôtre. Cette fois, nous serons mieux préparés et nous espérons que le prochain appel d’offres donnera davantage de poids aux opérateurs sur les investisseurs ». Des propos relayés par le journal Les Echos.
Le groupe français, détenu à 60 % par l’Etat et par le FSI (Fonds stratégique d’investissement) , concocte actuellement son projet avec Schiphol, en association avec un groupe de BTP et un fonds brésilien. Les travaux nécessaires ont été évalués en janvier dernier à plus de 450 millions de dollars .
A l’origine de cette vague de «privatisations», inhabituelle dans un Brésil plutôt rétif à ce genre d’opérations, il y a l’état préoccupant de ses infrastructures, alors que le pays doit accueillir la Coupe du Monde de football en 2014 et les Jeux Olympiques en 2016. Or, la situation des aéroports brésiliens, engorgés et vétustes, fait partie des problèmes les plus aigus. Leur fréquentation a bondi de 117% depuis 2003, passant de 71 millions à 154 millions par an. Pour 2014, certaines prévisions évoquent même l’hypothèse de 225 millions de passagers.
Face à cette situation, la présidente Dilma Rousseff s’est résolue l’an dernier à ouvrir le capital d’ Infraero, monopole d’état, gérant _ très mal de l’avis général_ les principaux aéroports du pays et de confier au secteur privé la construction et la gestion de nouveaux terminaux. En pratique, les investisseurs retenus détiendront 51% de chaque aéroport, contre 49% pour Infraero. Même si le principe choisi est celui de concessions de service public d’une durée de 20 à 30 ans, il s’agit donc bel et bien du passage au privé du contrôle de ces infrastructures.
Le mouvement a démarré en aout dernier, de Sao Gonçalo d’Amarante, près de Natal (nord-est), cédé pour 106 millions de dollars par l’Etat brésilien au consortium privé Inframérica Aeroportos (formé de l’entreprise argentine Argentina Corporacion America et du groupe Engevix). En février 2012, ce fut le tour du trio de poids Sao Paulo, Campinas (Viracopos, à 120 km de Sao Paulo) et Brasilia, octroyés à trois consortiums privés lors de la mise aux enchères en Bourse, pour un total de quelque 14 milliards de dollars (10,7 milliards d’euros). Soit des offres trois fois et demi supérieures au minimum requis par l’Agence de l’aviation civile (Anac). Condition essentielle inscrite dans l’appel d’offre : « le concessionnaire de chaque aéroport devra conclure les travaux d’ici au Mondial de 2014 ».
Si ADP n’a pas été retenu, un autre français, la société d’ingénierie Egis, détenue à 75% par la Caisse des dépôts, fait partie du consortium qui a remporté la concession sur 30 ans de l’aéroport de Campinas (1) , au sein d’un consortium formé avec les brésiliens Triunfo Participações et UTC Participações. La concession sur 20 ans de l’aéroport de Sao Paulo a, elle, été remportée pour plus de 9,4 milliards de dollars par le consortium ) formé du fonds brésilien d’investissement Invepar, du constructeur brésilien OAS et de l’opérateur sud-africain ACSA . Et c’est de nouveau Inframérica Aeroportos qui a remporté la gestion et l’extension de l’aéroport de Brasilia (concession de 25 ans) pour 2,6 milliards de dollars.
Ces trois aéroports _ les plus grands du pays_ représentent 30% du trafic passager du Brésil. Selon le quotidien économique Valor, ils auraient un retour sur investissement de 6,46% par an. Onze entreprises ont participé à cette vente, via 22 offres, dont 10 pour Guarulhos, à Sao Paulo. En ce qui concerne ce dernier, les estimations des investissements nécessaires avoisinent 1,3 milliard de reais, soit 804 millions de dollars , pour la construction d’un nouveau terminal d’une capacité de sept millions de passagers par an. A Campinas, la construction d’un nouveau terminal (5,5 millions de passagers) doit coûter 509 millions de dollars. A Brasilia, le même type d’investissement avoisinera 365 millions de dollars pour un terminal d’une capacité de 2 millions de passagers.
Très emblématique, l’attribution de la concession de l’aéroport carioca _ le quatrième du pays _ devrait également susciter, outre ADP, une longue liste de candidatures. Pierre Graff lui-même anticipe une compétition intense, Rio étant « extrêmement attractif ».
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(1) L’aéroport de São Paulo Guarulhos a accueilli l’an dernier 30 millions de passagers » » celui de Campinas (spécialisé dans le fret) 7,5 millions et celui de Brasilia 15,4 millions.